Le Monastère de Shaolin

Le temple de Shaolin ou « Monastère de la jeune forêt » est un temple du bouddhisme Chan, situé sur le flanc nord-ouest de la montagne Shaoshi du Songshan, dans la province chinoise du Henan. Il est considéré par les historiens d’arts martiaux comme un creuset fondamental où fut mise au point, puis d’où essaima, une première synthèse technique des méthodes jusqu’alors connues pour le combat à main nue.
Le Shaolin, derrière les légendes brodées autour des nombreuses vicissitudes qui ont marqué ses quatorze siècles d’existence, eut indéniablement un rôle fondamental dans le développement de l’art de la boxe chinoise (Quan-Fa), ancêtre de l’Okinawa-te et du Karaté et des autres arts martiaux dits de « percussion » de l’Extrême-Orient.
« Tous les arts martiaux sous le ciel sont nés à Shaolin », en chinois : « Tian xia gong fu chu shao lin » est-il écrit dans le Jian Hu Ji, un ouvrage de la dynastie Qing (1644-1911).

C’est par décision impériale, que le temple Shaolin du Henan eut l’honneur de s’intituler : « Premier monastère sous le ciel », en chinois « Shi Yi Tien » par l’empereur Taizong de la dynastie Tang.
Il reçut l’étincelle du Bouddhisme Chan (Zen en japonais) apporté par le sage indien Bodhidharma (Da Mo en chinois) vingt-huitième successeur du Bouddha.
Le temple fut construit en l’an 495, soit la 19e année du règne de Taihe, par l’empereur Xiaowen de la dynastie Wei du nord. Mais le nom de Shaolin n’apparaît qu’au début de la dynastie Tang (618-907). Une longue liste de personnages importants, dont des rois et empereurs furent souvent les hôtes du lieu. C’est ce qui explique les vicissitudes de l’histoire du monastère, dont les politiques purent reprocher de s’être compromis dans le temporel et d’avoir parfois pris parti.

Le territoire du monastère se trouve être un pivot naturel des voies de communications, une position stratégique évidente, une porte par laquelle la doctrine bouddhique, venue de l’inde, pénétra lentement en Chine, à partir du milieu du premier siècle de l’ère chrétienne.
A la fin du Ve siècle vint par cette route un moine indien du nom de Batuo. Reçu en audience par l’empereur Xiaowen, ce fin lettré se voit accordé les faveurs de celui-ci. Xiaowen décida de lui faire construire un monastère. Batuo s’y retira aussitôt pour se consacrer à la lecture des Sutra et s’attela à des traductions de textes bouddhiques. Il eut rapidement un grand renom, qui attira vers lui des centaines de moines, désireux de s’instruire. Et c’est ainsi que Shaolin prit vie. Batuo, qui avait fait construire la première Stupa du monastère, est souvent représenté gras et souriant, assis sur une jambe repliée. Il appartenait à la tendance Hinayana (doctrine du « petit véhicule » du Boudhisme).

Après lui, arriva un personnage, au rôle décisif. Il apportait de l’Inde la tendance Mahayana (doctrine du « grand véhicule ») et portait le nom de Da Mo. Il fut honoré après sa mort sous le nom de Bodhidharma l’Illuminé. Il a été le patriarche chinois initiateur d’un nouveau courant de pensée bouddhique, le Dhyana (le Chan en chinois, et le Zen en japonais). La tradition lui attribue aussi une contribution de première importance pour le devenir des arts de combat individuels : sa « boxe des 18 Luo-han » constitue l’ossature d’une première séquence de mouvements qui marquèrent d’autant plus les moines de Shaolin que ces exercices reposaient également sur la recherche d’une maîtrise de la respiration : le Qi-gong. Après avoir médité neuf ans « face au mur », Bodhidharma quitta Shaolin en laissant sa doctrine à Hui-Ke.

Trente ans plus tard, le nouvel empereur Taiwudi, de la dynastie des Zhou du nord (deuxième moitié de VIe siècle) lança une campagne de bannissement du Bouddhisme et du Taoïsme. Ordre fut donné aux moines de se défroquer et de rejoindre leurs villages.
Six ans plus tard, l’empereur Zhoujongdi rétablit le Bouddhisme dans l’empire et donna au monastère le nom de Zhihu. Ce n’est que deux ans plus tard que celui-ci put reprendre son nom de Shaolin grâce à l’empereur Wendi, de la nouvelle dynastie Sui (581-618). L’âge d’or commença. Chaque dynastie, Tang, Song, Yuan, Ming et même Qing, avant que cette dernière ne déclara la guerre à Shaolin, contribua désormais à agrandir et à embellir le monastère.

En 618, Li Yuan fonda la dynastie Tang en prenant comme nom d’empereur Gaozu. Une troupe de 100 moines combattants du Shaolin , armés de bâtons, fit pencher à son profit la balance des forces au moment de la bataille décisive contre son rival Wang Shichung. Son fils, Li Shi-min, qui fut le second Empereur Tang (627-650) sous le nom de Taizong, eut lui aussi recours à l’appui musclé des experts de Shaolin et ne fut pas ingrat. Il fut directement responsable de la fortune et du renom qu’eut désormais Shaolin dans tout l’empire.
Treize moines particulièrement méritants furent anoblis, ainsi Tan Zhong (Tan Tsung), Zhi Cao (Chih Tsao) et Hui Chang (Hui Yang), dont les noms volèrent de bouche en bouche pour leur efficacité au bâton, alimenta longtemps les conversations dans les huttes paysannes. Par faveur impériale l’étendue des terres du Temple Shaolin passa de 30 hectares à 36000 hectares. Shaolin fut dès lors un état dans l’état, suscitant ainsi jalousies et convoitises.
Au XVIe siècle, Jue-Yuan entreprit avec Bai-Yu-Feng et Li-Cheng un vaste travail de restructuration de combat en usage auprès des ermites de Shaolin (Wu-qin-xi) qui relança leur réputation pour les siècles suivants.
D’autres noms de moines-experts sont parvenus jusqu’à nous : ainsi Chang-Wo-Ting (San Wo en japonais) fut le père de la célèbre école japonaise Yagyu Shingan, et Chen-Yuan-Pin (Chin Gempin en japonais) l’initiateur de l’école japonaise Kito-ryu. On a également retenu le nom du général Yu-Da-You (1503-1579), servant sous les ordres du fameux maréchal Qi-Ji-Guang, sous les Ming, qui enseigna aux moines Shaolin, lors d’une visite au monastère, un certain nombre de perfectionnements dans l’art de manier le bâton, d’où résultèrent de nouvelles combinaisons.

Usée par trois siècles de règne, la dynastie Ming déclina rapidement au profit des cavaliers Mandchous, qui déferlèrent sur la Chine et installèrent une nouvelle dynastie : celle des Qing, qui tint jusqu’en 1911. Les notables et guerriers, fidèles à la dynastie Ming, entrèrent en résistance, trouvant refuge dans des enceintes religieuses. Ils firent fleurir bon nombre de sociétés secrètes destinées à maintenir haut le flambeau de la résistance. Le Shaolin se politisa et devint un foyer de contestation extrêmement actif. Des dizaines de monastères arguèrent du droit d’asile pour accueillir des loyalistes Ming dont une demi-douzaine se réclamant de Shaolin et de sa vocation guerrière.
C’est sous l’impulsion de l’empereur Kangxi (1662-1722), que ordre fut donné de mettre fin aux activités subversives des monastères. Il mourut en 1722 et c’est son successeur l’empereur Yongzheng qui s’occupa du Shaolin du Henan. Submergé par les vagues successives d’assaut des soldats impériaux, le Shaolin fut défendu avec acharnement, puis dut déposer les armes. Suite à cet évènement, seul cinq moines-experts en réchappèrent, fuyant vers le sud. Ils furent à l’origine des cinq grands styles de boxe chinoise : Choy-gar, Hung-gar, Li-gar, Liu-gar, Mok-gar.
Plus de 400 styles de combat s’individualisèrent à travers la Chine, à partir des méthodes du Shaolin.

Dès la treizième année du règne de l’empereur Yongzheng, Shaolin édifia un important portique, la Porte de la Montagne, qui fut désormais son entrée principale. En 1750, le nouvel empereur Qianlong, vint en personne séjourner trois jours au monastère, où il calligraphia lui-même les trois caractères « Shao-Lin-Si » (Temple de Shaolin) sur la planche ornant le linteau de la porte d’entrée. Cette planche existe encore de nos jours.

Après la révolution de 1911, deux seigneurs de guerre sévissaient dans toute la Chine, mettant le pays à feu et à sang. La troupe de Fan Zhongxiu trouva refuge au monastère de Shaolin en 1928, aussitôt assiégé par celle de Fen Yu-xiang aux ordres du général Shi-Yousan. Le premier parvint à s’échapper avec de nombreux moines, mais Shi-Yousan, furieux, bouta le feu au temple, qui brula pendant 40 jours. Quantité de reliques inestimables et d’archives furent réduites en cendres.

Le monastère a été en partie reconstruit à partir de 1957. Depuis 1985, il est à nouveau habité par une communauté de moines contemplatifs et combattants sous la direction de Shi-De-Yu, maître Shaolin de la 31e génération.
C’est sur la volonté de s’ouvrir au monde extérieur, qu’en 1988 fut ouvert le plus grand centre d’arts martiaux de Chine, à seulement un kilomètre du temple, la fameuse école Tagou Shaolin, sous l’impulsion de Liu Baoshan.
Parallèlement de nombreuses troupes de démonstration de moines, (dont à fait parti Chang Hongliang Shifu), voyagent à travers le monde dans des tournées de propagande en faveur des techniques de boxe et d’armes du Shao-Lin-Si